Production d'algocarburant

        L'étude des possibilités énergétiques qu'offrent les microalgues a permis de dresser une liste de ses dérivés théoriques. Ainsi, il est possible d'obtenir :

  • du biodiesel par extraction des lipides contenus dans les microalgues, et transestérification
  • du bioéthanol par fermentation éthylique des glucides contenus dans les microalgues
  • de l'hydrogène et divers hydrocarbures par pyrolyse et traitement du gaz de synthèse résultant
  • du méthane par digestion anaérobie de la biomasse algale
  • de la chaleur ou de l'électricité par combustion ou gazéification de la biomasse



I – ETAPES DE LA RECHERCHE POUR L'ELABORATION DE 
BIODIESEL/BIOETHANOL



        Les microalgues sont capables de biosynthétiser des sucres ou des lipides naturellement mais aussi de façon accrues en conditions de stress physiologique telles qu'une carence en nitrate, engendrant une accumulation excessive de lipides, lipides qui après de nombreuses manipulation permettrait d'obtenir du carburant au même titre que le colza ou le tournesol.

         En 2006 le projet Shamash voit le jour. Son objectif est de sélectionner une souche à forte productivité en lipide par la connaissance de leur écophysiologie ou par utilisation de la génomique. Mais aussi de trouver les meilleurs conditions de production, culture et extraction pour la création de biodiesel.

       Le diesel bien que représentant 75% du parc automobile européen à ce jour, présente des coûts de fabrication très onéreux. Le bioéthanol serait donc une alternative très intéressante. En effet les microalgues avant de convertir le CO2 en réserves de lipides, elles le convertissent en sucre.



1- EXPERTISE DE L'ECOPHYSIOLOGIE



       L’écophysiologie est une discipline de la biologie qui étudie les réponses comportementales et physiologiques des organismes face à leur environnement.

        L'expertise écophysiologique des microalgues se base alors sur différents paramètres, à savoir :

  • la capacité d'une microalgue à être cultivée en laboratoire, en masse, sans qu'elle ne meure ou soit contaminée, et dans des conditions faciles à réunir et peu onéreuses.
  • la capacité d'une microalgue à produire de l'huile (certaines espèces peuvent contenir jusqu'à 80% de leur masse en huile) / capacité d'une microalgue à produire des sucres (certaines espèces au lieu d'être riches en huiles peuvent contenir près de 30 % de sucres « fermentescible », qui servent directement à la production de bioéthanol)
  • les conditions de production, c'est à dire la quantité de CO2 apportée à la biomasse (il faut environ 1,7 kg de CO2 pour satisfaire les besoins de 1kg de microalgues), le spectre lumineux et l'intensité lumineuse apportés aux microalgues afin d'obtenir une forte croissance et productivité en lipides / ou en sucres pour le bioéthanol
  • la facilité à être concentrée puis centrifugées


2- EXPERTISE DU GENOME


        Le génome est l'ensemble du matériel génétique d'un organisme vivant codé dans son ADN.

      Une microalgue non reconnue pour sa capacité à produire des lipides peut donc présenter dans son génome tous les outils et acteurs nécessaires et suffisants pour la création de lipides de réserve (triglycérides).



Goutelettes lipidiques fluorescentes
 après coloration au Nile Red
   La sélection des souches de microalgues est opérée à
 l'aide d'un colorant, le Nile Red. Ainsi on observe au microscope à fluorescence, dans le meilleur de cas, une cellule à 70% voir 80% remplie de vesicules, de goutelettes lipidiques.

       Quant au bioéthanol la liqueur de Fheling mettrait en évidence la présence des sucres réducteurs dans les microalgues. Or le glucose, produit de la photosynthèse, est un sucre réducteur. Cependant il ne permettrait pas d'indiquer la quantité de glucose présent dans les
microalgues. Nous ne savons donc pas quel procédé a été utilisé lors cette étape.


3-REACTION AU STRESS




Formule semi-développée
 du glucose
        Le stockage de lipides résulte d’un déséquilibre entre le flux positif de carbone issu de la photosynthèse et le flux négatif d’autres éléments nécessaires à la croissance tel que le phosphore ou l'azote. La cellule, qui est stressée par la carence de l'un de ces éléments, n'interrompt pas immédiatement l'absorption du CO2 nécessaire à la photosynthèse, alors qu’elle ne peut pas l’utiliser pour produire des protéines. Elle doit donc stocker ce flux, et chez certaines espèces, ce stockage a lieu principalement sous forme de lipides. Il faut donc trouver un compromis entre la croissance de la population d’algues et l’accumulation des réserves énergétiques au sein de chacune d'elle.
       Pour une forte productivité en sucre, il faut au contraire éviter la conversion des glucides en lipides, et donc éviter tout stress.




4- COMPOSITION DE L'HUILE


Formule semi-développée
générale des triglycérides
        Par la suite est analysée la composition des différentes huiles obtenues à partir des microalgues. Ainsi les microalgues présente différentes quantités de cholestérol, de phospholipides non exploitables directement comme carburant, et de triglycérides qui sont directement injectables dans un moteur et donc exploitables comme biocarburant. Suivant les résultats obtenus une sélection plus affinée est mise en place.
      Le glucose est le seul sucre produit lors de la photosynthèse, même si sa formule brute présente de nombreux isomères.






5- METHODES DE CULTURE DE MASSE


Photo de photobioréacteurs dans l'usine l'Alicante chez BFS

        Différentes possibilités sont offertes quant à la culture de masses, chacune présentant des avantages et inconvénients.

       Les membres du projet Shamash ont opté pour des photobioréacteurs qui permettent un meilleur contrôle de la culture, une production plus durable dans le temps, et des risques de contaminations très faibles. Il en existe trois grands types :



  • à colonne verticale, qui est facile à stériliser, et permet une biomasse importante mais nécessite du matériel sophistiqué et onéreux, et présente une répartition de la lumière plutôt hétérogène.
  • tubulaire, qui est facile à réaliser, peu onéreux et utilisable à l'extérieur, mais qui présente une accumulation de matière sur les surfaces au détriments de la productivité.
  • plat, qui assure une bonne pénétration de la lumière, est facile à nettoyer et a un fort rendement photosynthétique mais présente des différences de températures difficiles à gérer et peuvent induire des stress hydrodynamiques chez certaines espèces.

Photo de bassins ouverts destinés à la multiplication de
micros algues
        Certaines microalgues peuvent êtres cultivés en masse dans des bassins ouverts. Les avantages majeurs des bassins ouverts restent leur construction facilité et le fait qu’ils soient rapidement opérationnels et productifs. Mais les cultures y sont difficilement contrôlables, dépendantes de la concentration atmosphérique en CO2 et de la luminosité naturelle, manquent de brassage du volume de culture, elles n’ont pas une productivité sur de longues périodes et peuvent facilement être contaminées par des parasites ou prédateurs extérieurs.

      La possibilité d'une culture de masse en bassin ouvert salé résoudrait les problèmes de contaminations. Cependant cette alternative n'est possible qu'avec des microalgues d'origine marine.



6- BIOMASSE ALGALE SECHE



        Afin de pouvoir extraire l'huile de manière plus aisée il faut au préalable concentrer et centrifuger la biomasse, le but étant d'obtenir une biomasse algale sèche.

Sécheur atomiseur
       Après deux ou trois jours de culture, on pompe l'eau et on la filtre pour en récupérer les microalgues. S'en suit une floculation, phénomène au cours duquel les microalgues en suspension forment des flocons par ajout d'un floculant, ce qui détruit la stabilité de la solution et entraine une sédimentation.

   On passe ensuite cet agglomérat à la centrifugeuse, permettant de séparer les composés d'un mélange en fonction de leur densité en les soumettant à une force centrifuge. Selon la taille des espèces , il faut répéter cette opération plusieurs fois, pour obtenir à la fin une pâte qui contient 20% de microalgues.

      Il faut enfin faire évaporer l'eau de la pâte d'algues dans un sécheur à atomiseur où la température montre à plus de 100°C.

      Pour fabriquer du bioéthanol, il est inutile de sécher la pâte d'algues. Celle-ci est mélangée telle quelle à des produits chimiques de type « acides » afin d'obtenir un sirop sucrée.




7-EXTRACTION DE L'HUILE



   L'extraction de l'huile peut se faire en ajoutant un solvant chimique à la pâte séchée, ou du CO2 supercritique.
Schéma des états du CO2 en fonction de la température et de la pression

        Un fluide supercritique est soumis à une température et une pression supérieures au point critique; Cet état n'existe pas dans la nature. Les fluides supercritiques ont des propriétés différentes de celles du gaz ou du liquide mais qui sont comprises entre les deux. La densité d'un fluide supercritique peut varier de la densité d'un gaz à la densité d'un liquide en modifiant la pression exercée sur le fluide. Cette variation permet de dissoudre de manière sélective un composé, ce qui permet d'obtenir un seul composé lors de l'extraction. Le CO2 comme fluide supercritique présente de nombreux intérêt comme l'absence de solvant résiduel à la fin du traitement, la non toxicité, ou la basse température critique.

      Afin d'extraire les sucres du sirop, celui-ci passe dans une centrifugeuse puis dans un filtrage par osmose inversée.



8- EVALUATION DE LA QUALITE DU CARBURANT



       Enfin l'huile est mélangé à un alcool, c'est la transestérification. Il permet ainsi d'obtenir un biodiesel qui est ensuite incorporé au gazole ordinaire à hauteur de 30%. Les sucres obtenus sont introduits dans des cuves à fermentation, dans lesquelles sont ajoutées des levures. Celles-ci transforment alors les sucres en éthanol qui peut être incorporée à l'essence à raison de 5 à 95%.

   Les carburants obtenus à partir des différentes microalgues sont évalués et sélectionnés sur la base de différents critères :

  • la qualité d'évaporation
  • la formation de dépôt
  • la consommation
  • le rendement
  • la puissance
  • l'émission à l'échappement










II - ETAPES DE LA PRODUCTION DE BIODIESEL/BIOETHANOL



                     

Schéma des étapes de la production d'algocarburants tiré du Science et Vie Junior n° 255, reprenant les étapes de la recherche